L'absence des patrons.
Par Johanne Menard
Nous avons à peu près tous vécu l’absence de notre patron d’une façon ou d’une autre. Certains patrons sont appelés, de par la nature même de leur boulot, à voyager beaucoup, à participer à de nombreuses réunions, à passer du temps avec des clients ou avec des actionnaires, etc. D’autres doivent se « diviser en quatre » pour répondre aux exigences multiples de leur travail. L’augmentation du télétravail, les bureaux virtuels, la mondialisation du commerce international, la technologie sont des facteurs qui augmentent les chances que des équipes soient gérées par des patrons plutôt absents affirme l’auteur Michael Kerr (1). Toujours selon lui, l’absence des patrons est une tendance qui ne fera qu’augmenter. Il faudra donc composer au mieux avec les conséquences de cette condition plus fréquente dans nos milieux de travail.
Des conséquences positives et négatives
Certaines retombées de l’absence des leaders peuvent être positives. Tout dépend de la culture de l’entreprise, du style de leadership et de la dynamique d’équipe qui règnent dans l’entreprise. Un patron autocratique, qui dicte et vérifie tout, peut réduire la créativité et l’initiative de ses employés tandis qu’un patron qui partage davantage son pouvoir peut, par son absence, amenuiser le stress sur ses employés et leur donner une marge de manœuvre plus grande ce qui risque de les rendre plus productifs et motivés.
Qu’est-ce qui va faire la différence dans la perception des employés entre le sentiment d’être abandonnés à eux-mêmes versus investis de la liberté d’être au meilleur d’eux-mêmes lors de l’absence de leur patron? Je crois que les facteurs suivants pèsent dans la balance :
· La capacité et la maturité des employés : l’absence du patron risque de faire plus mal auprès des nouveaux employés qui ont besoin d’encadrement et d’encouragement plus suivis qu’auprès d’employés chevronnés;
· Le soutien réel à l’équipe : une équipe bien soutenue au point de départ, avec des objectifs très clairs, des processus établis, motivée, passionnée, responsable et dont les résultats sont mesurables autrement que par le « présentéisme » pourra bien évoluer durant l’absence du patron;
· Les besoins et la personnalité de chacun : certains employés ont un « moteur professionnel » qui roule de façon autonome : ils n’ont pas beaucoup besoin d’un patron pour les faire avancer. D’autres ressentent davantage le besoin d’une présence pour répondre à leurs questions, les encourager, etc. Il est bien de connaître ses besoins à ce chapitre.
Les meilleures façons de bien composer avec l’absence de son patron
Un employé peut s’épanouir même si son patron est absent. Les moyens suivants peuvent être des recours utiles :
· Communiquer : On ne le dira jamais assez, la communication entre un employé et son patron risque de faire la différence, surtout lorsque l’absence se prolonge. Chaque patron peut avoir des attentes différentes quant à ses besoins d’être informé. L’entente préalable à l’absence sur les attentes patronales a meilleur goût! J’ai pour ma part travaillé avec une patronne « à distance » pendant 15 ans. Au fil du temps, j’ai compris de quelle manière elle aimait que je la tienne compte des défis que je rencontrais, des autorisations requises, etc. Et dans le doute, j’ai appris qu’il valait mieux errer dans le sens de lui en dire un peu trop que pas assez!
· Dire ses attentes de feedback : La relation entre un patron et un subordonné est à deux sens. Un employé a aussi la responsabilité d’informer son patron de ses besoins de rétroaction afin de bien accomplir son travail. Et remercier son patron pour le feedback reçu fait aussi des merveilles!
· Varier les moyens de communiquer : Nous disposons aujourd’hui d’une multitude de moyens pour communiquer. Alors pourquoi ne pas utiliser le courriel, les textos, les messages téléphoniques, etc. afin d’entretenir un échange d’information avec son patron. Le truc est de bien formuler les messages et les demandes avec clarté, concision, et pertinence. Cela dispose le répondant à agir avec diligence et rend son travail plus facile.
· Être organisé : Établir un horaire de rencontres téléphoniques ou par Skype pour effectuer le suivi sur votre travail et sur les décisions à prendre avec votre patron; aller au fond des sujets abordés lorsque les contacts ont lieu plutôt que d’entretenir des chaînes incessantes de courriels; prévoir les étapes des projets et en discuter au fur et à mesure. Et surtout, ne pas négliger de prendre de bonnes notes : sur les consignes données par le patron, sur les incidents et événements survenus durant son absence, sur les décisions prises, etc. Les paroles s’envolent mais les écrits restent!
· S’entendre sur les balises décisionnelles au préalable : Je crois qu’on peut affirmer sans se tromper qu’il vaut toujours mieux connaître les limites de son pouvoir décisionnel avant de l’exercer…surtout en l’absence du patron! Valider ceci en discutant de différentes situations hypothétiques qui peuvent survenir en l’absence du patron est une façon prudente de bâtir la confiance.
· Prendre appui sur des mentors, des membres de l’équipe. L’absence du patron ne veut pas dire qu’on est oublié et esseulé tout à fait. C’est le temps plus que jamais de tabler sur la solidarité entre les membres d’une équipe et sur des personnes qui peuvent nous fournir de l’aide au besoin.
Il n’y a pas de façon magique de bien vivre l’absence de son patron. Sans doute faut-il commencer par capitaliser sur toutes les formes de soutien offertes par son patron «à distance » et ne pas perdre d’énergie à lui en vouloir parce qu’il n’est pas présent tout le temps. L’important c’est de reconnaître son apport, quelle qu’en soit la forme.
Une bonne conversation au téléphone, un courriel bien structuré ou un échange par vidéoconférence sont des signes tangibles de l’intérêt de votre patron dans votre travail.
Il est à souhaiter que chacun puisse bien transiger avec l’absence de son patron parce qu’il œuvre dans une culture d’entreprise qui favorise la confiance mutuelle et l’autonomie.