Nouveaux arrivant et barriere linguistiques

Par Mark Swartz

Les nouveaux arrivants à la recherche d’un emploi ont-ils avantage à essayer de se fondre dans la population des Canadiens typiques, ou devraient-ils plutôt miser sur leur origine ethnique, leur expérience internationale et leur connaissance de langues étrangères? C’est une question que se posent tous les nouveaux immigrants qui doivent trouver leur place sur le marché du travail canadien.

Certains immigrants croient qu’ils frapperont un mur s’ils ne montrent pas aux employeurs qu’ils sont exactement comme les Canadiens qui sont ici depuis longtemps. Ils craignent que leur accent étranger et leurs particularités culturelles ne les fassent paraître trop différents.

D’autres ont une attitude tout à l’apposé : ils mettent délibérément en valeur leur différence et leur unicité. Ils recherchent des employeurs qui veulent des candidats d’origines ethniques diverses, qui ont un bagage culturel particulier et de l’expérience de travail à l’étranger, et qui connaissent des langues étrangères.

Quelle est la meilleure approche pour vous?

Aplanir les différences

L’adaptation à la main-d’œuvre canadienne peut présenter tout un défi pour les nouveaux arrivants. Il leur faut comprendre la culture canadienne et connaître assez bien le français ou l’anglais pour ne pas faire de gaffes trop importantes (comme se montrer sexiste ou raciste, utiliser un langage inacceptable ou autres pratiques inappropriées au travail).

Pour mieux s’intégrer, certains immigrants modifient leur prénom (ou leur nom de famille) pour éviter la consonance étrangère. Certains suivent des cours destinés à atténuer leur accent, n’inscrivent pas sur leur CV qu’ils parlent d’autres langues que les langues officielles du Canada ou encore, évitent de mentionner qu’ils fréquentent des groupes ou des clubs qui pourraient révéler leur origine ethnique.

Un exemple d’intégration harmonieuse

Branka Tkalčić a quitté la Croatie pour le Canada au début de l’année 2010. Elle s’est installée à Montréal et souhaitait être embauchée à un poste de contrôle de la qualité similaire à celui qu’elle occupait dans un secteur manufacturier à Zagreb, dans son pays d’origine.

Pour débuter, elle a acquis de l’expérience de travail au Canada par le biais d’un stage rémunéré organisé par Career Bridge, un programme pour immigrants géré par l’Organisation Avantage Carrière. « Ils m’ont offert une formidable occasion d’apprendre au quotidien les exigences inhérentes au travail dans une entreprise canadienne. J’ai aussi pu acquérir du vocabulaire français dans un milieu d’affaires et j’ai suivi des cours de français gratuits dans un centre communautaire local pour immigrants. »

Elle a ensuite assisté à des séances de formation culturelle offertes par le même centre communautaire. « Ils m’ont appris à voir les choses dans une perspective canadienne et québécoise, explique Branka. Ils m’ont dit, par exemple, que j’avais tendance à me tenir trop près des gens lorsque je leur parlais. Les Européens ont tendance à se rapprocher beaucoup lorsqu’ils discutent. » Ce genre de petits détails l’a aidée à paraître plus adaptée au milieu canadien lorsqu’elle s’est présentée pour des entrevues.

Branka a aussi éliminé les accents de son nom de famille sur son curriculum vitae et sa carte d’affaire. « Il est déjà bien assez difficile pour les non-Européens de prononcer mon nom, pourquoi le faire paraître plus étrange encore à mes futurs employeurs? »

Elle a été embauchée dans une entreprise de taille moyenne qui produit des pièces pour l’industrie du rail léger. « Je crois que le fait d’avoir cherché à atténuer mes différences a eu un effet rassurant pour mon employeur. Ma volonté d’être comme tous les Québécois ordinaires l’a aidé à me voir comme une personne qui est ici pour y rester et qui n’a pas besoin d’accommodements particuliers. »

Savoir composer avec ses différences

Évidemment, il est plus facile de vous fondre dans la masse si vous maîtrisez les langues officielles du Canada et si vous avez une bonne connaissance de la culture canadienne. Mais que pouvez-vous faire si vous venez tout juste d’arriver au pays, que vous avez un fort accent étranger, que vous parlez à peine le français ou l’anglais et que vous souhaitez conserver votre nom exotique?

Dans un tel cas, vous pouvez choisir de miser sur vos points forts : expérience internationale, connaissance de langues et de cultures étrangères, diversité.

Un exemple de valorisation de la diversité

Habla español (parlez-vous espagnol)? Aucun doute, si vous êtes originaire d’un pays d’Amérique du Sud tel que l’Argentine. C’est le cas de Jorge Núñez, qui a immigré au Canada en 2005. Il s’est installé à Edmonton (Alberta) au plus fort du boom de l’industrie gazière et pétrolière. C’était logique, étant donné son expérience en mécanique d’équipement de forage.

« Je pensais être embauché sans délai parce que j’avais de l’expérience en machinerie pétrolière. Mais après des mois de recherche infructueuse, j’ai réalisé que mon accent prononcé et ma piètre connaissance de l’anglais me nuisaient, particulièrement en raison du domaine technique dans lequel je souhaitais travailler. »

Jorge a rencontré une agente de recrutement qui lui a fourni des conseils utiles. « Elle m’a suggéré de me concentrer sur des entreprises canadiennes qui avaient besoin de personnel hispanophone connaissant les marchés pétroliers et gaziers de l’Amérique du Sud. De cette manière, je serais le candidat idéal pour eux. »

Ce conseil a conduit Jorge à visiter un site internet d’Industrie Canada, Réseau des entreprises canadiennes , qui fournit une liste des employeurs canadiens qui importent ou exportent à l’étranger. Il y a repéré des sociétés pétrolières basées à Edmonton qui font affaire avec l’Amérique du Sud. Il a alors expédié à ces employeurs des courriels ciblés décrivant ses compétences, y compris une version en espagnol pour faire bonne mesure.

« J’ai été estomaqué par la réponse », raconte Jorge, qui travaille maintenant pour une société internationale située non loin d’Edmonton, à titre de chef des opérations de forage en Amérique du Sud. « Je suis soudainement passé du statut de non employable à celui de spécialiste très en demande. L’Amérique du Sud se classe au troisième rang parmi les plus grands producteurs de pétrole dans le monde. Je possédais la langue, les contacts et le savoir-faire requis. »

Se fondre dans la culture locale, ou miser sur ses différences?

Alors, qu’est-ce qui est préférable, pour le nouvel arrivant à la recherche d’un emploi – mettre en valeur ce qui l’intègre dans le groupe, ou ce qui l’en distingue?

Certains employeurs préfèrent embaucher des gens qui cadrent bien dans leur équipe, qui maîtrisent bien l’une des langues officielles et qui comprennent déjà les façons de faire canadiennes. D’autres cherchent des candidats qui connaissent les marchés étrangers, qui ont travaillé à l’étranger et qui parlent d’autres langues que le français et l’anglais. D’autres encore ont des programmes d’embauche axés spécialement sur la diversité (origine ethnique, culture, sexe, orientation sexuelle). C’est le cas, notamment, des grandes banques canadiennes.

Votre décision quant à l’approche que vous devriez adopter doit être fondée sur vos propres particularités en fait de points forts et de lacunes, de même que sur l’offre et la demande qui prévalent dans la région où vous vous êtes installé.

Que vous choisissiez de vous fondre dans la culture canadienne ou de souligner votre unicité, ou une solution mitoyenne, ne perdez pas de vue que vous devriez orienter vos efforts de manière à vous retrouver non loin du but recherché, dans un milieu où vous pourrez vous sentir à l’aise. Vous aurez ainsi de meilleures chances de vous adapter et de mettre vos compétences à l’œuvre – comme l’ont fait Branka et Jorge.