Démissionner sur les médias sociaux
Par Karin Eldor
L’époque des lettres de démission officielles est-elle révolue? Avons-nous atteint un stade où il est devenu acceptable de démissionner par voie de courriel ou, pire encore, en l’annonçant de façon encore moins personnelle sur un réseau social?
Vous vous rappelez ce fameux épisode de la série Sex and the City où le petit ami de Carrie rompt avec elle par Post-It? Ce fut la rupture la plus médiatisée dans le monde.
Aujourd’hui, une rupture annoncée sur un Post-It passerait probablement inaperçue, et pourtant, les gens se laissent par le biais de messages texte, de Twitter et de YouTube, dans l’espoir de devenir la sensation et le sujet de l’heure sur Internet. (Je n’aime pas!)
Ce qui fait qu’entre les gazouillis et les messages-texte de démission, les choses ont indéniablement changé en matière « d’étiquette du départ ». Examinons ce phénomène de plus près ainsi que les conséquences à #démissionsurréseausocial.
Fameux démissionnaires
Dans les années 1970, le film Network donne naissance à la démission publique grâce à cette inoubliable réplique : « Je suis fou de rage et je ne vais plus me laisser faire! » (Les post-boomers trouveront sans doute cet extrait sur Netflix.)
Aujourd’hui, parmi les plus fameux démissionnaires (ou appelons-les « dénonciateurs publics ») il y a la journaliste Marina Shifrin, qui a quitté son emploi sur une vidéo diffusée en 2013 sur YouTube, dans laquelle elle danse sur la chanson « Gone » de Kanye West. Et vous rappelez-vous Steven Slater, l’agent de bord de la société aérienne américaine JetBlue, qui avait quitté son emploi avec fracas en 2010, après une altercation avec une passagère, en utilisant le toboggan d’évacuation d’urgence de l’avion?
Bon, ils ont eu leur petit quart d’heure de gloire et si force est d’admettre que cette façon de faire leur a réussi, il s’agirait plutôt d’un suicide professionnel pour monsieur et madame Tout-le-monde.
Conseils d’une spécialiste
J’ai demandé l’opinion d’une experte en la matière. Comme présidente et chef de la direction de MindHR Recruiting, Jessica Glazer a tout vu, mis à part une démission diffusée sur un réseau social, en tout cas pas personnellement!
« Je n’ai jamais eu affaire à quelqu’un qui ait démissionné sur un média social. J’ai vu les fameuses vidéos, mais habituellement, les gens ne quittent pas leur emploi de façon aussi dramatique. Ce qui est plus courant, c’est d’envoyer un courriel ou un message texte, ou encore ne pas se pointer au boulot un beau jour, par crainte évidente de la confrontation. Après tout, si un employé annonce en personne à son supérieur qu’il quitte le navire, il devra composer avec la réaction de ce dernier. »
Et cela, chers amis, peut être assez éprouvant pour certaines personnes.
« Je crois que tout arrive pour une raison et que si une personne démissionne avec autant de dégoût (c’est-à-dire par voie de message texte ou sur un média social), il y a alors tout lieu de croire que cette entreprise est réputée pour traiter ses employés à la dure! », poursuit madame Glazer.
Quatre raisons de démissionner en personne
Même si annoncer sa démission par courriel ou gazouillis peut sembler une bonne idée sur le coup, voici les raisons qui prouvent que c’est tout le contraire. Alors, prenez-en connaissance avant d’appuyer sur « Envoyer » ou « Partager ».
- Vous ne donnez pas de préavis approprié
- Vous coupez les ponts
- Les employeurs potentiels vous fuiront comme la peste
- Vous anéantissez toute chance de contre-offre
La manière idéale de quitter son emploi est d’envoyer une lettre de démission en bonne et due forme et de donner le préavis standard de deux semaines. Si vous annoncez votre départ dans un courriel ou sur un réseau social, vous ne donnez alors aucun préavis, ce qu’il ne faut jamais faire.
Si vous ne donnez pas un préavis approprié à votre employeur, vous pouvez essentiellement faire une croix sur une lettre de référence ou des bons mots à votre endroit. N’oubliez pas que le monde est petit et qu’une évaluation négative ou une mauvaise réputation pourrait vous suivre partout.
Vous courez également le risque de devenir un « employé boomerang ». Qui sait si un jour, une nouvelle administration ou un changement dans votre carrière vous inciterait à joindre les rangs de la même entreprise dans quelques années? Vous avez alors tout intérêt à quitter en bons termes.
Bravo! Votre manifeste en ligne a été consulté des millions de fois. Faites-vous à l’idée que d’autres employeurs potentiels puissent ne pas vous recruter ou apprennent la façon cavalière avec laquelle vous avez quitté votre emploi précédent.
Si vous êtes sur le point de démissionner, c’est que plus rien ne vous fera changer d’avis, pas même la perspective d’une augmentation. Mais si vous quittez parce que vous ne vous sentez pas apprécié à votre juste valeur ou parce que les possibilités d’avancement sont nulles, il est alors possible que votre supérieur vous offre davantage d’argent pour vous garder.
Par contre, démissionnez sur le cyberspace et dites adieu à cette éventualité!
Attention : Vous pourriez annoncer votre démission à votre patron (à votre insu!)
Soyez bien conscient de vos activités sur les médias sociaux. Par exemple, prenez garde aux changements de statut du genre « Recherche nouvel emploi » sur l’un ou l’autre de vos profils. N’oubliez pas que vous avez sans doute des collègues ou même des supérieurs dans votre réseau social.
La bonne stratégie pour quitter
Que convient-il donc de faire?
Selon madame Glazer : « Lorsqu’un employeur recrute, il veut être sûr qu’il méritera le respect. Mais en annonçant votre démission dans une vidéo spectaculaire, vous manquez alors totalement de respect à l’entreprise qui vous a versé un salaire, vous a fait confiance et croyait en vos capacités. Alors si vous devez quitter, faites-le avec tact, car en bout de ligne, vous pourriez avoir encore besoin de votre employeur, tout comme le jour où vous avez accepté l’emploi qu’il vous a offert la première fois. »
Lorsque vous décidez de quitter votre emploi, vous devez le faire comme il faut et l’annoncer personnellement à votre supérieur. Démissionner par voie de courriel, de message-texte ou d’intervention sur les médias sociaux est une initiative risquée qui ne vous rapportera rien, mis à part 15 petites minutes de gloire (ce qui est quand même très cher payé!).
Sans compter que cette façon de procéder n’a rien de bien professionnel. Bien sûr, il n’est pas facile d’annoncer son départ. Vous devez donc respirer à fond, adopter une attitude ferme et résolue et faire face à votre patron. Vous en ressortirez grandi!