Quand la mort s'invite au travail
Par Johanne Menard
Contributrice de Monster
Le mois de novembre est considéré comme étant le mois des morts dans la culture judéo-chrétienne. Sans doute cette tradition est-elle associée à ce temps de l’année où la nature, souvent larmoyante et grise, entre en phase de dormance. Avec cet arrière- plan, peut-être pouvons-nous aborder le sujet délicat qu’est celui du deuil en milieu de travail.
J’en conviens, cela n’arrive pas souvent, mais qui n’a pas perdu un supérieur, un collègue, un employé au cours de sa carrière? Comment réagir? S’y préparer? Comment guérir? Voilà quelques questions que nous effleurerons dans cet article.
Une mort annoncée…
Dans certaines circonstances, la mort d’un proche au travail est prévisible car la maladie dont il souffre s’annonce fatale. J’ai vécu un « cas » semblable lorsque je travaillais au sein des RH chez mon dernier employeur. Une employée, brillante et dédiée, se savait atteinte d’une forme incurable de cancer du cerveau. Elle téléphonait régulièrement aux RH pour s’informer de ses avantages sociaux, des actions à prendre pour s’assurer de bénéficier de tous ses recours. Elle avait l’habitude, si élégante et délicate, de préfacer ses nombreux oublis et lapsus de « je ne sais trop comment dire » ou encore « voilà, le mot m’échappe encore » que nous en étions venus à convenir de lui écrire pour confirmer le contenu de nos conversations téléphoniques. Ses demandes étaient, disons-le honnêtement, longues à traiter mais comme il nous faisait plaisir de lui offrir ce soutien si précieux pour elle en des moments aussi difficiles. L’entourage au travail peut faire une grande différence dans la vie d’une personne qui se sait mourante, et ce, par des gestes simples et empathiques tels :
- Privilégier la communication régulière, même brève et sans but précis, pour écouter l’employé décrire ce qu’il vit et le « brancher » aux petites nouvelles de la vie au bureau : en un mot, le faire sentir encore membre à part entière de l’équipe;
- Fournir toute l’aide requise par l’employé (ou par les membres désignés par sa famille) quant à ses besoins (assurances collectives, assurance-vie collective, régime de retraite, prestations d’invalidité, etc.) de façon diligente;
- Si possible, inviter l’employé à se joindre à l’équipe pour souligner les temps forts de celle-ci : fête de Noël, reconnaissance annuelle, etc.
- Lorsqu’il est pertinent de le faire, ne pas reculer devant les occasions de faire une petite visite à la maison ou à l’hôpital afin de témoigner son attachement.
C’est l’occasion, plus que jamais, d’exprimer ses sentiments envers l’employé : la reconnaissance pour son bon travail, pour son apport à la vie de l’équipe, etc.
Une mort soudaine…
Je ne peux l’oublier même si cela s’est produit il y a des années. Lors d’une formation dans un site hors-travail, un employé ne s’est pas présenté un matin lorsque la session reprenait. On a d’abord cru que son réveil matin avait fait défaut. Mais lorsqu’il ne répondit pas aux appels répétés, on réalisa que la situation était sérieuse. Hélas, il était mort durant la nuit. L’onde de choc fût palpable d’autant plus qu’un film, au sein duquel il figurait, avait été tourné durant la session. Il était si vivant à peine quelques heures auparavant…
Dans ce cas, comme dans d’autres cas que j’ai vécus, une des premières actions posées fût celle de faire appel au Programme d’aide aux employés afin d’être guidée dans la gestion de cette situation exceptionnelle. S’il y a un moment où un gestionnaire ne doit pas improviser c’est bien dans ce cas car ses moindres gestes dans la gestion de cette situation délicate seront scrutés à la loupe.
Reportons-nous aux conseils de gestion élaborés, entre autres, par Fuller Landau, Conseils Vérification Fiscalité :
- Informer les employés en personne. Cela demandera du courage à un superviseur mais les membres de l’équipe dont faisait partie la personne décédée doivent l’apprendre de première main, et de manière personnalisée.
- Permettre le deuil. Chacun vit le deuil à sa façon, à son rythme. Cela dépend souvent de la relation affective que chacun aura entretenue avec le défunt. Il suffit de penser que certains passent plus de temps avec leurs collègues de travail qu’avec leurs conjoints ou leurs enfants pour comprendre l’intensité que ce deuil peut représenter. Il suffit parfois d’accorder le temps nécessaire aux employés pour échanger entre eux de manière informelle.
- Manifester la sympathie envers la famille endeuillée : Un des premiers réflexes ressentis lors du décès d’un proche est celui de vouloir « faire quelque chose pour aider ». À ce sentiment, vient parfois s’opposer celui de la réserve naturelle devant la mort d’autrui : la crainte de ne pas bien faire les choses, de ne pas savoir quoi dire, etc. Voilà qui est tout à fait naturel! Mais le dépassement de sa propre sensibilité et le fait de « tendre la main » aux endeuillés apportera une grande sérénité. Cela peut se faire par le biais d’un mot bien senti dans une carte de sympathies, par une visite au salon funéraire ou à la maison, par le fait d’assister aux funérailles, etc. Je me souviens d’une équipe qui avait préparé des repas congelés et les avait offerts à la veuve d’un collègue afin de faciliter son quotidien. Elle avait grandement apprécié cette délicatesse qui se traduisait de façon à la fois tangible et pratique.
- Rendre hommage à la personne décédée : Certains voudront le faire en commémorant la mémoire de leur collègue lors de l’éloge funèbre. D’autres se porteront volontaires pour amasser des fonds pour une œuvre de charité chère au défunt. Le simple fait d’évoquer les bons souvenirs aident à vivre le chagrin de la perte.
- Être respectueux des effets personnels de l’employé : Pourquoi se précipiter pour vider le bureau du défunt? Attendre quelques jours ou semaines peut aider à l’acceptation du départ.
Un gestionnaire doué de sensibilité et près de son équipe saura équilibrer les besoins de ses employés en regard des impératifs du travail dans de telles circonstances. Sa capacité de faire preuve de compassion, de compréhension et d’empathie fera une grande différence.