Courir à sa propre perte

Pour Johanne Menard
Contributrice de Monster

Selon l’échelle développée par Holmes et Rahe pour mesurer l’incidence du stress associé à des événements de vie, le licenciement ou le congédiement compte pour 47 points sur une possibilité de 100 points. Il arrive en 8e place dans l’échelle des événements de vie les plus stressants après la perte d’un conjoint (100 points), la séparation (65 points), etc. Ce n’est pas peu dire! Une perte d’emploi vient donc chambouler le quotidien de la personne touchée ainsi que celui de son entourage. Précarité financière, amoindrissement de l’estime de soi, tensions conjugales, isolement etc. ne sont que quelques-uns des dommages collatéraux que peut engendrer la perte d’emploi. Un événement de vie à éviter, c’est certain!

Les professionnels des ressources humaines et les conseillers juridiques s’entendent pour dire que le congédiement est la sanction la plus grave que l’employeur peut décréter envers un employé. Nous discuterons dans cet article des situations où les employés sont les principaux responsables de cette conséquence néfaste à leur emploi. Car, faut-il le dire, certains employés courent, sciemment ou inconsciemment, à la perte de leur emploi!

Le rendement, une contribution double
Tout employé a une contribution à fournir à son employeur en retour d’une rémunération juste et équitable. Voilà la base du contrat de travail qui lie un employeur à un employé. Cette prestation de travail attendue est composée de deux volets indissociables et importants : les objectifs de rendement à atteindre et les comportements au travail à adopter.

L’atteinte des objectifs de rendement
On pense ici souvent à la productivité, à la qualité du travail, à l’atteinte de certains résultats ou à la réalisation de certains mandats. Les manquements chroniques, répétés et volontaires à l’atteinte des objectifs sont des motifs invoqués lors du congédiement d’un employé. Bien que le gestionnaire ait la responsabilité de communiquer des objectifs aussi clairs et mesurables que possible, l’employé a également le devoir d’être proactif et de demander des précisions lorsqu’il le juge nécessaire. Dans le doute, mieux vaut clarifier les attentes et dissiper tout malentendu à ce sujet. Il en va de même pour la rétroaction reçue, par exemple lors de rencontres de suivi du rendement. Si les messages ne sont pas clairs ou si des doutes persistent sur le positionnement évaluatif d’un employé, il est important, voire essentiel, de ne pas laisser la situation se détériorer et de partager ses questionnements avec le gestionnaire ou une tierce partie telle un intervenant des ressources humaines.

L’attitude et le comportement
Le second volet de la contribution de l’employé est relatif à l’attitude et au comportement au travail. Il s’agit, hélas, d’un volet du rendement au travail qui est parfois banalisé. Il n’est pas rarissime qu’un employé qui excelle techniquement dans son travail mais qui n’a pas l’attitude requise par son employeur (esprit d’équipe, loyauté, respect, etc.) soit exposé à des sanctions sévères s’il ne s’amende pas à la suite des avertissements donnés. Bien performer c’est également adopter des comportements qui respectent tous les paramètres du code de conduite professionnelle de son employeur.

Ainsi, absences injustifiées, retards à répétition, départs hâtifs, différentes formes de présentéisme (par exemple, la navigation sur internet durant les heures de travail) sont des motifs qui peuvent exposer un employé à des réprimandes sérieuses pouvant aller jusqu’au congédiement. Dans bien des cas, il s’agit d’un problème qui, avec un peu de bonne volonté, peut généralement être corrigé facilement. Les « vendredi-ïtes » et les « lundi-ïtes » se guérissent parfois miraculeusement après un avertissement! Par contre, il se peut qu’une situation personnelle puisse être la cause d’un problème d’assiduité. Il est préférable d’en discuter avec son employeur, sans toutefois nécessairement entrer dans les détails afin de dissiper toute présomption de mauvaise volonté. L’employeur raisonnable pourra, dans la mesure de ses moyens, offrir des mesures d’accommodement temporaires ou permanentes.

Les manquements graves
Les employés qui se rendent responsables de méfaits tels la fraude, le vol, le sabotage, etc., s’exposent derechef à la perte de leur emploi. Je ne peux oublier cette employée qui, à cause d’une dépendance au jeu, avait « emprunté de l’argent » des clients qui venaient payer leurs primes d’assurance en se servant à même le tiroir-caisse. Incapable de remettre l’argent dérobé, elle avait fini par être prise la main dans le sac. Elle a payé le gros prix (perte de son gagne-pain, de sa réputation, de ses amis, etc.) en perdant son emploi…après 35 ans de loyaux services.

Outre ces manquements graves, les congédiements sont maintenant imposés lorsque des enquêtes internes démontrent qu’un employé est l’auteur volontaire et non repentant d’actes d’intimidation, de harcèlement sexuel ou psychologique ou de violence verbale ou physique. Ainsi, gare aux comportements dirigés vers des collègues ou collaborateurs : soupirs exaspérés, exclusions sélectives ou discriminatoires, commérages, accrochages physiques, menaces à peine voilées, etc. Les conflits non-résolus sont souvent le terreau fertile à des situations qui entraineront des conséquences fâcheuses. La consultation du programme d’aide aux employés ou d’un conseiller en ressources humaines est de bon aloi!

La loyauté a meilleur goût!
Il se peut, que pour des raisons personnelles ou circonstancielles, on en vienne à ne plus avoir de considération pour son employeur et qu’on se sente moins loyal envers lui. Le « cœur » n’y est plus… Qu’il s’agisse d’une démotivation passagère ou d’un décrochage irréversible, la ventilation de notre stress au travail doit demeurer dans les limites du respect et de la subordination raisonnable envers son employeur. Cela peut vouloir dire que des décisions importantes doivent être prises : peut-être faut-il songer à partir plutôt que de commencer à « mordre la main qui nous a nourri » ou « scier la branche sur laquelle on est assis »? D’ailleurs, en quoi déblatérer dans le dos de son patron ou le dépeindre comme personne incompétente l’aidera-t-il à s’améliorer?

Un employé soucieux de conserver son emploi et de nourrir la confiance de son employeur envers lui :

· prendra la pleine responsabilité de ses comportements au travail;
· sera proactif et sensible envers la rétroaction reçue de son employeur;
· ne se privera pas de l’aide disponible pour s’améliorer;
· sera courageux et cohérent avec lui-même.