Faut-il se résigner à occuper un emploi qui ne correspond pas vra
Par Johanne Menard
Contributrice de Monster
Une chanson folklorique parle du fils du roi qui s’en allait, chassant avec un grand fusil d’argent. Il visa le canard noir mais finit par abattre le canard blanc. Au résultat, il en ressortit avec un volatile qui, peu importe la couleur de son plumage, eut l’avantage de remplir son assiette ce jour-là! Blanc ou noir, l’oiseau sauvage criblé répondait bien à ses besoins alimentaires. Mais il en va sans doute bien autrement lorsque l’on part à la chasse à l’emploi. Le défi n’est-il pas de savoir viser juste?
Entre le travail rêvé et parfait pour soi et l’occupation à peu près correcte, il y a parfois une marge qui peut faire toute la différence dans l’accessibilité à l’emploi. Faut-il se résigner à occuper un emploi qui ne correspond pas vraiment à ses capacités? Ou plutôt, faut-il continuer la recherche d’emploi jusqu’à ce qu’on trouve « la bonne couleur de parachute »!
Une mère soucieuse du cheminement de carrière de son fils me lançait justement la question cette semaine. Son fils venait de terminer ses études dans une sphère d’activités spécifique mais tardait à recevoir une offre d’emploi « dans son domaine ». Devait-il continuer à chercher dans cette sphère jusqu’à ce qu’il trouve vraiment un emploi qui correspondrait à sa nouvelle formation ou devait-il se contenter d’accéder au domaine tout en occupant un poste dit « d’entrée » afin d’avoir un pied dans la porte?
DES POINTS DE VUE DIFFÉRENTS
Bien malgré moi, j’ai dû avouer forfait et lui dire qu’il n’y avait pas une seule bonne réponse à cette situation. Tout dépend du point de vue à partir duquel on analyse la situation, du moment où l’on se retrouve dans son cheminement de carrière et surtout du niveau de contrôle que l’on peut réellement et réalistement exercer sur la situation.
· Les recruteurs ont leur propre perspective. Ils savent que le marché de l’emploi est changeant selon : les besoins économiques, les variations démographiques, la disponibilité de main d’œuvre qualifiée, le temps requis pour former de nouveaux employés, le développement de nouvelles technologies, etc. Leurs décisions d’employer des candidats n’ayant pas toute l’expérience requise ou ayant plus que l’expérience désirée peuvent donc varier selon les circonstances et les contextes.
· Les candidats ont aussi leur perspective. La grande majorité de ceux-ci souhaite être reconnue pour sa juste valeur. Peu d’entre eux voudront occuper un poste en de ça de leur formation et de leur expérience, le plus souvent à cause des répercussions salariales et l’impact négatif sur leur cheminement. Et malgré l’occurrence un peu plus répandue aujourd’hui de la « sur estimation » des capacités chez certains chercheurs d’emploi, la majorité ne souhaite pas occuper des fonctions qui dépassent nettement leurs compétences.
· Les gestionnaires voient aussi la situation à partir de leurs propres critères. Assujettis, la plupart du temps, à des contraintes de budgets salariaux, ces derniers préfèrent de loin embaucher les candidats qui correspondent de plus près aux critères qu’ils ont fixés pour remplir leurs postes. Certains gestionnaires disposent parfois du temps et des ressources afin de former leurs propres employés ce qui leur permet d’embaucher des candidats qui n’ont pas les compétences recherchées. Mais avouons que, règle générale, cela n’est pas le loisir de nombreux employeurs aujourd’hui.
VISER SOUS LA BARRE…
Quels sont donc les avantages et les inconvénients lorsqu’un chercheur d’emploi tente de chercher un emploi qui exige moins que son bagage peut offrir?
Du côté des plus, le candidat :
· Optimise ses chances de trouver UN emploi. Cela peut être salvateur si le candidat est soumis à des impératifs économiques pressants. Après tout, il faut bien vivre et mettre le pain et le beurre sur la table. Et cela peut être une solution dans les cas où l’assurance emploi ou les prestations d’assistance sociale sont épuisées et où il faut cesser la dépendance à ces ressources publiques.
· A de meilleures occasions d’entrer dans le domaine d’emploi de prédilection s’il est plus ouvert sur le choix du poste à occuper. Certains recruteurs sont sensibles à cette « ouverture » d’un candidat et peuvent y percevoir la ferveur de celui-ci pour le secteur recherché ou même pour l’entreprise convoitée.
· En emploi a, en général, de meilleurs chances de trouver un emploi que celui qui n’a pas d’emploi.
Du côté des moins, le candidat :
· Risque de se désintéresser du « sous-emploi » assez rapidement et d’aspirer à une montée plus rapide dans l’échelle des postes de son secteur. Le candidat pourra se faire rappeler à l’ordre par le gestionnaire recruteur si cette impatience se manifeste. J’ai d’ailleurs en mémoire de multiples exemples où les candidats ont déploré le fait d’être des employés aux talents « sous-utilisés », et cela malgré les avertissements clairs et nombreux des gestionnaires qui les mettaient en garde au moment de l’embauche quant à l’ascension graduelle vers leur poste de prédilection.
· Peut à la longue se sentir dévalorisé et enclin à mettre de côté ses véritables aspirations parce qu’il ne voit pas la lumière au bout du tunnel, les occasions de promotions se faisant parfois rares ou décevantes. On aura beau réitérer que le travail ou l’emploi ne définit pas une personne, il contribue quand même beaucoup à l’identité personnelle. Être en « sous-emploi » peut exposer un employé qui y demeure longtemps à des commentaires inquisiteurs ou peu flatteurs de son entourage social ce qui n’est pas souhaitable.
· Aura à expliquer ce méandre à son cheminement professionnel lorsqu’il se présentera, éventuellement, chez un autre employeur. Occuper une « jobine » doit pouvoir s’expliquer, le cas échéant! Le risque c’est que ce repli pourrait être interprété comme un manque de motivation ou de persévérance.
Ultimement, on peut conclure que le sous-emploi devrait être une option de dernier recours et devrait faire l’objet d’une discussion très honnête avec l’employeur qui en fait l’offre. Parfois c’est l’employeur qui privilégie cette approche afin de mouler le nouvel employé à la culture organisationnelle de l’entreprise. L’échange aura avantage à porter sur la durée du sous-emploi et sur les moyens à envisager, tant pour le candidat que pour l’employeur, afin d'en limiter les impacts professionnels négatifs.