Urgence! Pour ceux qui aiment l'immédiat

par Paul Germain, D.Sc.

«Le médecin d'urgence, pour moi, c'est quelqu'un qui s'engage dans le milieu hospitalier, particulièrement à l'urgence, mais c'est aussi quelqu'un qui apporte beaucoup plus à la communauté. Notre rôle, oui, il s'exerce dans la salle d'urgence, mais son rayonnement va beaucoup plus loin. Par exemple, la planification des mesures d'urgence régionales, c'est méconnu», soutient le docteur Pierre Boucher, urgentologue au Centre hospitalier Pierre-Boucher de Longueuil.

L'urgentologie, c'est une nouvelle spécialité médicale dont les frontières sont floues. C'est la discipline qui a pour but ultime de contrôler les situations qui mettent la vie humaine en danger, en cherchant surtout à stabiliser les fonctions vitales des patients. Les interventions débordent du champ de la médecine et font appel à la physiologie, à la pharmacologie à la chirurgie, à la réanimation, etc. Actuellement, on peut appeler urgentologue un médecin spécialisé (par formation ou par expérience) dans la médecine d'urgence.

Le médecin d'urgence dirige une équipe qui comprend, entre autres membres, des infirmières dont le travail consiste à effectuer des évaluations cliniques, à prodiguer des soins et à donner des conseils aux patients. De plus, les infirmières exercent une fonction de sélection des cas, qui constitue une énorme responsabilité. Attribuer un ordre de priorité aux patients selon leur état, cela exige des connaissances et beaucoup de discernement.

Nous avons rencontré pour vous deux professionnels des soins d'urgence, qui ont accepté de parler de leur travail.

Pierre Boucher est urgentologue et il se retrouve en plein coeur des situations catastrophiques. Lors de son service militaire, il travaille sur les lieux des grands conflits qui ont dévasté la Bosnie (1993) et le Rwanda (1994). Il obtient le certificat de compétence spéciale en médecine d'urgence (CCMF-MU) du Collège canadien des médecins de famille. Son expertise est mise à profit au moment de la crise du verglas au Québec (1998). Il fait maintenant de la clinique d'urgence à temps plein dans un centre communautaire et participe aux opérations d'urgence de moyenne et grande envergure lorsqu'elles se présentent. «Heureusement que les catastrophes sont relativement rares chez nous, car cela se traduit par moins de souffrances».

Et la souffrance peut devenir une motivation extraordinaire pour les médecins d'urgence : «Les intervenants à l'urgence, ce sont des gens qui aiment offrir le meilleur d'eux-mêmes et maîtriser des techniques. Ce sont des gens qui doivent être capables de résister à une forte pression et qui se trouvent valorisés dans l'aide immédiate qui donne des résultats concrets. Lorsque je reçois un patient qui a un arrêt cardiaque, je dois le réanimer. Et lorsque je sens à nouveau son pouls et sa tension artérielle, je m'écrie Hourra ! J'ai eu ma décharge d'adrénaline», raconte le docteur Boucher.

Martin Decoste, un jeune infirmier, apprécie lui aussi les défis de sa profession : «J'aime le travail d'équipe, la course contre la montre, les montées d'adrénaline...» Après avoir acquis une formation technique, Martin suit des cours universitaires en soins critiques, cardiologie, traumatologie, puis complète un baccalauréat en sciences infirmières, à l'UQATR . Il a travaillé à l'urgence auprès des enfants à l'Hôpital Sainte-Justine à Montréal. Maintenant établi à Québec, il travaille exclusivement à l'urgence du CHUL. Martin connaît bien les difficultés du métier : «L'urgence, c'est très variable : il y a des jours ou c'est tranquille et d'autres ou c'est la folie furieuse. S'il arrive deux ambulances en trois minutes, on doit demander l'aide des collègues, leur faire confiance. Nos interventions doivent anticiper celles du médecin. Et il faut rassurer les gens, souvent en état de crise, alors qu'ils ont tendance à jeter leur stress sur nous ».

Il existe au Québec 3 types de médecins qui font de l'urgence à temps plein :

  • Spécialiste : formation de 5 ans de résidence en médecine d'urgence. 1
  • Certificat de compétence spéciale en médecine d'urgence (CCMF-MU) : 2 ans de résidence en médecine familiale et 1 an de résidence en urgence.
  • Médecin de famille. 2

«Pour ceux qui veulent en faire une véritable carrière en urgentologie, le parcours de cinq ans va leur donner une formation plus complète. Ces gens-là pourront devenir des leaders, tant dans le milieu universitaire que dans les grandes urgences d'hôpitaux», ajoute le docteur Pierre Boucher.

Pour les aspirants au métier d'infirmier-urgentiste, des cours réguliers de techniques infirmières sont offerts par plusieurs CEGEPS au Québec et dans les collèges équivalents dans les autres provinces. Le baccalauréat en sciences infirmières est un cours universitaire de 4 ans qui prépare l'étudiant à donner des soins, mais aussi à assumer de plus vastes responsabilités. Martin Decoste précise : «Ce que je peux conseiller aux jeunes, c'est d'accumuler quelques années d'expériences en médecine et en chirurgie afin d'acquérir de l'assurance et de se sentir prêt à affronter les défis d'un travail à l'urgence. Je suis jeune et je côtoie d'autres jeunes à l'urgence et il ne faut pas se cacher que, des fois, on est dépassé par les événements. On réussit souvent à garder notre calme grâce à l'aide des collègues plus vieux… mais ce sont de grosses responsabilités qu'on a.»

Les perspectives de carrières pour les jeunes?

Pour les médecins d'urgence, les perspectives d'emploi sont très bonnes. Quand le système de santé a des problèmes, la porte d'entrée quasi unique aux soins de santé, ce sont les urgences, tout le monde y aboutit. (Voir le dernier paragraphe titre Information additionnelle sur le nouveau programme de formation en médecine d'urgence.)

Pour les infirmiers, les perspectives de travail dans les urgences et dans les soins d'urgence sont excellentes. Il y a de plus en plus de postes, souvent des postes à temps partiel, mais il demeure assez facile de compléter le temps de travail ou de faire des quarts raisonnables. En tout cas, c'est vrai pour la majorité des milieux urbains et des grandes villes du Québec. La demande est forte.

Une fois entré sur le marché du travail, il faut s'attendre à devoir prendre de front plusieurs responsabilités à la fois : «Parfois, il faut traiter plusieurs cas en même temps, voir à stabiliser chaque patient. On commence une opération, puis on vient t'appeler dans une autre salle, ça va mal, il faut revenir au premier ! Il faut être capable de s'adapter à cette pression», conclut le docteur Pierre Boucher. En somme, une belle vivacité d'esprit, de la débrouillardise et un grand sens de l'adaptation constituent les qualités indispensables d'un bon urgentologue. Et sans oublier... des nerfs d'acier!

1 Ou par clause grand-père, ou par examen du Collège Royal des Médecins.
2 Source : communication écrite avec le Dr Martin Boucher.